Aucune impunité pour les délits en col blanc. C'est ce que signifient, en creux, les réquisition que Mathieu Vernaudon a présentées hier devant le tribunal correctionnel de Marseille dans le procès Apollonia. Le magistrat du parquet, chirurgical. a désossé pendant près de 5 heures le système de la société aixoise soupçonnée d'avoir été le vecteur de la plus grande escroquerie immobilière et financière de l'histoire en France, en vendant à des investisseurs privés (en grande partie des médecins et professionnels de santé) des biens locatifs surévalués sous prétexte d'avantages fiscaux.
Avant d'entrer dans les détails, il a tenu à sadresser aux parties civiles, nombreuses dans la salle des procès hors-nonne de la caserne du Muy, à Marseille, " Je veux dire aux parties civiles qu'elles n'ont pas à avoir honte davoir succombé à un processus extrêmement sophistiqué qui était fait pour les faire tomber dans la piège.
La honte doit tomber sur ceux qui sont sur le banc des prévenus", a- t-il déclaré. Ces dernières semaines 23 d'entre elles étaient |
venues témoigner à la barre de leur honte et de leur culpabilité d'avoir naïvement souscrit aux promesses trop belles d'Apollonia, s'endettant pour des montants considérables. Nombre d'entre elles avaient fini ruinées, plusieurs étaient brutalement décédées.
"Le discours commercial, frauduleux dès le départ"
Plus globalement, a-t-il analysé, "les médecins, dentistes, kinés, notaient pas clients mais produits d'Apollonia. Apollonia vendait du dentiste, du kiné, du profil hors-norme à ses clients, aux promoteurs et banquiers Un système profondément vicié, qui reposait, selon le magistrat, sur deux piliers, "le discours commercial, frauduleux dès le départ", et "la dissimulation", la société aixoise s'appuyant sur les banques pour tromper les investisseurs et vice versa. Peu après la pause méridienne, il a conclu sa prise de parole par les peines. Des réquisitions extrêmement élevées, qui témoignent de l'importance de ce dossier aux quelques 700 victimes, mais aussi de son appréciation sévère du comportement des quatorze prévenus |
(le 15 ième est la personne morale d'Apollonia) devant lui au cours des deux mois d'audience qui viennent de s'écouler.
Le rôle central des notaires
À l'encontre de Jean et Viviane Badache, le couple à l'origine d'Apollonia, considéré comme "le cerveau" de l'affaire, Mathieu Vernaudon a ainsi demandé la |
peine maximale, 10 ans de prison ferme pour chacun avec mandat de dépôt, affirmant avoir cherché en vain "des éléments d'atténuation" à leur dé charge. Pour sanctionner les trois commerciaux, il a sollicité des peines allant de 6 ans ferme à 2 ans sous bracelet électronique. Les notaires, se sont eux, vus frapper de réquisitions allant de 2 ans ferme sous bracelet |
électronique à 3 ans de prison avec sursis. René Spadola, ancien avocat des Badache et d'Apollonia, "honnie-clé" de l'affaire, s'est vu recommander une peine de 5 ans de prison ferme avec mandat de dépôt. Enfin, pour les secrétaires administratives, le magistrat du parquet a prescrit des condamnations de 30 mois à 3 ans avec sursis. A ces peines se sont ajoutés |
de nombreuses réquisitions de confiscations et d'amendes aux montants colossaux, en particulier à l'encontre des no taires, coupables, selon le ma gistrat, d'avoir "gravement porté atteinte à l'honneur du notariat" en manquant à leurs obligations de conseil et de loyauté.
Désormais, et pour le reste du procès qui doit s'achever ce ven dredi, la parole est à la défense.
Celle des commerciaux et personnels administratifs ouvrira le bal aujourd'hui, suivie par les conseils de notaires. Vendredi, au dernier jour du procès Apol lonia, les avocats du couple Badache tenteront d'arracher leur relaxe.
Marguerite DEGEZ
mdegez@laprovence com
Erratum : dans notre article paru le 29 mai dernier, il était fait mention de Jacques Gobert, avocat historique des victimes d'Apollonia entre 2007 et 2023. Contrairement à ce qui était écrit, M° Gobert, s'il n est plus en charge du dossier, n'est pas parti à la retraite. Inscrit au Barreau de Marseille en 1976,i1 exerce toujours à ce jour. |